Jacques Chirac est mort. Pourquoi les français continue de l’aimer maintenant ?

La chaleur et la nostalgie de Jacques Chirac depuis sa mort viennent d’un désir national pour une politique moins populiste

Nous, Français, aimons pleurer nos anciens présidents. Des milliers de personnes ont fait la queue pour rendre un dernier hommage à Jacques Chirac. Lundi était jour de deuil national : le drapeau tricolore volait en berne partout et une minute de silence était observée jusque dans les écoles. Il est difficile, cependant, de savoir quel amour est le plus grand – l’amour de pleurer le décès d’anciens chefs d’État, ou l’amour de les détester avec la ferveur que nous avions lorsqu’ils étaient au pouvoir. Je me souviens que tout au long des années 1970, ma mère appelait Chirac « facho Chirac » à cause de ses cheveux gras et clairsemés tirés en arrière, de son style de discours digne d’un Charles de Gaulle et de sa conquête guerrière de la droite et de la mairie de Paris.

Les Français ont un rapport inhabituel avec le pouvoir, notamment avec notre présidence élue. C’est, diront certains avec raison, une relation à la limite du pathologique


2 janvier 2024 12h18

Pourtant, comme des millions d’autres à gauche, ma mère a réussi à se boucher le nez et à voter pour ce « fasciste » au second tour des élections présidentielles de 2002, alors que l’alternative était Jean-Marie Le Pen. Et si elle n’était pas déjà décédée elle-même, elle aurait probablement partagé avec moi le même sentiment étrange qui semblait s’abattre sur les Français cette semaine : une nostalgie collective, sinon de la peine. Un sondage réalisé par le Journal du Dimanche place Chirac comme le meilleur président français de l’ère moderne, juste derrière De Gaulle. Comment en est-on arrivé là ?


3 janvier 2024 9h14

Les Français ont un rapport inhabituel avec le pouvoir, notamment avec notre présidence élue. C’est, diront certains avec raison, une relation à la limite du pathologique. A l’heure où la politique parlementaire est rongée par l’instabilité, la faiblesse des majorités, le déclin des partis traditionnels et la montée des leaders populistes, le système présidentiel français semble tenir le coup. Mais cela a également infantilisé nos attentes vis-à-vis des politiques. Élection après élection, nous voulons que ce président-dieu offre des vies radicalement meilleures, le plein emploi, des salaires plus élevés et aucune dette – nous voulons « le beurre et l’argent pour le beurre » comme dit le dicton, en d’autres termes nous voulons avoir notre gâteau et le manger.

Il semble remarquable que Chirac puisse être pleuré avec tant d’affection alors qu’il a si peu livré et quitté ses fonctions sous un nuage de corruption. Il a été élu sur un objectif ambitieux – guérir la fracture sociale – mais il a renoncé à chaque fois qu’il a rencontré une protestation. Il est difficile de penser à une seule réforme durable qu’il ait jamais menée à bien. Il aurait presque certainement cédé aux gilets jaunes beaucoup plus rapidement que Macron.


3 janvier 2024 9h14

La présidence de Chirac s’est déroulée de 1995 à 2007, chevauchant la décennie de Tony Blair en tant que Premier ministre britannique, et ils ont été confrontés à des défis mondiaux similaires. Mais l’histoire d’amour des Français avec Chirac a décollé précisément parce qu’il n’a pas fait de réforme de type blairiste. Il s’en tenait à de grands principes sur un terrain plus confortable. Les Français adorent ça. En s’opposant à la guerre américano-britannique en Irak, sa popularité a atteint son apogée au moment même où Blair a commencé à tomber en disgrâce au Royaume-Uni.


14 avril 2024 16h43

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